Fermer

Polyexpositions aux substances chimiques :protéger les salariés

 Depuis 2022, l’évaluation du risque chimique dans l’entreprise doit tenir compte des situations de polyexposition à plusieurs agents chimiques, qui engendrent pour les travailleurs des risques combinés. Gros plan sur l’un des domaines d’expertise de l’ACMS.

 

adobestock_611392391-modif
Une évolution réglementaire depuis 2022

Certains travailleurs peuvent être exposés à de multiples produits chimiques simultanément : 15% des travailleurs seraient exposés à au moins trois substances chimiques différentes sur leur lieu de travail, et 10% des travailleurs à au moins un agent cancérogène (enquête Sumer, 2017).

Le décret n°2022-395 du 18 mars 2022 a modifié les modalités d’évaluation des risques chimiques pour prendre en compte les situations de polyexposition à plusieurs agents chimiques : l’article R. 4412-7 du Code du travail précise que, dans le cas d’activités comportant une exposition à plusieurs agents chimiques dangereux (ACD), l’évaluation prend en compte les risques combinés de l’ensemble de ces agents.

L’effet conjoint de substances sur l’organisme peut, en effet, entraîner des atteintes à la santé, même si les concentrations de ces substances ne dépassent pas les valeurs limites d’exposition professionnelle (VLEP).

Des « cocktails de substances »

Le portrait des situations de polyexposition aux substances chimiques identifiées dans la base Colchic entre 2010 et 2019 dresse la liste des 20 « cocktails de substances » chimiques les plus fréquents : par exemple, acétone/styréne ou cuivre/manganèse.

Il existe cependant plusieurs types de polyexpositions :

  • polyexpositions à plusieurs agents chimiques (les plus fréquentes) ;
  • polyexpositions aux agents chimiques et biologiques ;
  • polyexpositions s’ajoutant à des nuisances physiques (bruit, vibration…).

Ces expositions peuvent se produire de manière concomitante ou successive : il en résulte la présence simultanée de plusieurs substances dans l’organisme.

Des substances différentes peuvent avoir des effets toxiques sur les mêmes organes : par exemple, le plomb, le mercure et leurs composés ont des effets toxiques pour le cerveau.

Les interactions toxicologiques entre différentes substances, présentes simultanément dans le même organe, peuvent entraîner des conséquences imprévues, différentes de la somme des effets causés par chacun des composants du mélange. Et une substance peut exercer aussi une influence sur la toxicité d’une autre substance…

Des interactions toxicologiques

Il existe trois types d’interaction toxicologique.

– L’additivité est l’absence d’interaction : la réponse est égale à la somme des réponses des substances prises individuellement. Par exemple, le butoxyéthanol (présent dans les pesticides, c’est aussi un agent de polissage) et le monoxyde de carbone (présent dans des matériaux de construction, c’est un agent de soudage) entraînent une perturbation de la capacité de transport de l’oxygène par le sang.

– L’infra-additivité est une interaction avantageuse : une substance diminue les effets toxiques d’une autre substance. La réponse est inférieure à la somme des réponses des substances prises individuellement. Par exemple, l’éthanol (utilisé comme solvant en laboratoire et présent dans les peintures, les vernis…) diminue la toxicité du méthanol (présent dans les dégraissants, les décapants…).

– La supra-additivité est une interaction néfaste. Elle entraîne deux possibilités :

   – la potentialisation : une substance ayant peu ou pas de toxicité augmente la réponse d’une autre substance (par exemple, entre des solvants cétonés (présents dans les peintures, les laques…) et halogénés (agents nettoyants et dégraissants) ;

   – la synergie : la réponse est supérieure à la somme des réponses des substances prises individuellement (par exemple, de l’alcool éthylique (présent dans les peintures, les encres…), du tétrachlorure de carbone (additif présent dans les colles, les mastics…) et des solvants, associés à du bruit, amplifient les effets néfastes sur l’audition.

Une évaluation complexe

L’évaluation des effets toxiques des mélanges et interactions toxicologiques est complexe. L’impact des polyexpositions sur la santé des travailleurs est difficile à évaluer et donc rarement pris en compte. Pour autant, plus de 32% des salariés sont confrontés à une co-exposition tous les jours, et la mise en place d’une démarche de prévention et de mesures associées doit s’appuyer sur les principes généraux de prévention en matière de santé et sécurité au travail (article L. 4121-2 du Code du travail).

L’approche « mono-substance » ne tient compte que des dépassements ou non des VLEP de chaque substance, une à une. En cas de respect des VLEP, on peut conclure que la situation semble plutôt correcte. Mais une approche « multi-substances » permet d’aller plus loin et d’analyser plus justement les risques réels pour la santé de salariés.

De nouvelles pratiques d’évaluation des risques et de prévention sont nécessaires pour développer cette approche multi-substances (20% des situations à risque ne sont pas détectables sans la prise en compte des polyexpositions). Des outils ou des modèles permettent aujourd’hui d’évaluer les effets sur la santé des polyexpositions : Mixie France et Altrex Chimie, créés par l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS), sont en cours d’évolution.

Les moyens de prévention

Certaines situations à risques pouvant passer inaperçues, les polyexpositions chimiques doivent être intégrées à la démarche de prévention lors de l’évaluation des risques pour adapter les mesures de prévention sur le lieu de travail.

Pour une prévention efficace, l’employeur ne doit pas attendre d’avoir recueilli les données toxicologiques précises des effets d’une polyexposition chimique pour agir. Il doit mettre en œuvre tous les moyens de prévention des risques chimiques : suppression, substitution, mesures de protection collective, protection individuelle si nécessaire et former / informer les salariés sur les risques et les consignes de prévention à respecter. Le suivi en santé au travail des salariés doit aussi être adapté par le médecin du travail en fonction des polyexpositions repérées.

Un exemple dans un garage

Dans un garage, les analyses des fiches de données de sécurité (FDS) a permis de repérer la présence de styrène dans différents produits (colles, peintures, produits de dégraissage…). Cette substance est associée à la classe « Atteintes du système auditif » : elle peut endommager l’oreille interne et la rendre plus vulnérable à l’exposition au bruit. Le médecin du travail a été informé afin qu’une attention particulière soit portée pour limiter l’exposition des salariés du garage aux nuisances sonores.

L’ACMS dispose d’experts du risque chimique qui vous accompagnent lors de votre démarche d’évaluation et vous recommandent les mesures de prévention adaptées à la nature de votre activité. Sollicitez votre centre ACMS pour vous faire conseiller !